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Au bonheur du conte merveilleux

Qui n’a jamais raconté un conte merveilleux ne sait rien du bonheur de la parole ; j’entends un de ces contes qui durent longtemps, où l’on s’enfonce dans des forêts épaisses et sombres, où les arbres s’ouvrent sur des palais silencieux, où les chevaux parlent et où les filles du magicien lorsqu’elles se baignent dans l’étang laissent au bord leurs plumes d’oiseaux. C’est un travail de longue haleine, une traversée d’océan en solitaire ; on a du chemin devant soi avant d’arriver au moment où l’idiot épouse la princesse, on a du temps. Raison de plus pour veiller à la vigueur et à la rigueur du récit ; si on ne tient pas sa langue en laisse, si on court comme un chien fou derrière toutes les images que le récit peut lever en route, on va perdre le souffle et lasser l’attention de ceux qui vous écoutent. Le bonheur de cette parole-là, c’est qu’il y a toujours un moment où l’on a oublié d’où l’on est parti et où l’on ne sait rien encore de la fin ; perdu dans l’immensité du monde, on avance sur le fil des mots comme sur la crête des vagues...

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Urgence du Mythe

Il y a eu des temps où la simple récitation du mythe suffisait pour que les Dieux se manifestent, elle créait à l’identique le monde tel qu’il avait été à l’origine ; le retour en ce temps-là – in illo tempore – suffisait à régénérer les forces de vie à l’œuvre en ce temps-ci. Les mots étaient le réel même. La pensée des sociétés de la Tradition est une pensée du même et la Parole est un éternel retour qui abolit la dégénérescence dans le temps de ce qui est. Si les sociétés de culture judéo-chrétienne s’interrogent sans cesse sur la fin des temps : jugement dernier, société sans classe, apocalypse nucléaire ou extase du marché, les sociétés d'avant où d’à côté s’obsèdent du retour à l’origine.

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Conteur, le retour !

On croyait les conteurs disparus avec la société rurale qui les portait, réduits au silence par le fracas du siècle et le flot d’images qui recouvrent nos jours et nos nuits. Quand on les évoquait encore, c’était la nostalgie des coins de cheminée et des saveurs anciennes. En un mot, ils étaient morts et bien morts. Pourtant ils reviennent, sans bruit, sans effets de manche ni d’éclat de voix. Tranquilles ! Comme ils l’ont toujours été, discrets mais sûrs de la Parole qu’ils portent et qui les porte. Il viennent à nouveau s’asseoir au centre du cercle, dans les cours des manoirs, les salles de spectacles, les chapelles, les cafés, les jardins publics… partout où il peut y avoir un peu de silence pour entendre le monde. C’est sans doute que ce qu’ils racontent est toujours aussi essentiel, c’est sans doute qu’ils sont parmi les derniers à prendre le risque d’une parole nue, qu’ils osent chevaucher à cru le cheval des mots pour de fabuleux voyages immobiles, sans idéologies ni morales, sans contrainte ni retenue, sans autre désir que de « courir » en tous sens le monde des hommes, sans autre guide que leur imaginaire, sans autre bonheur que le plaisir de ceux qui les écoutent. L’urgence de ce temps est peut être bien la « Parole »… toutes les paroles qui donnent l’audace de rêver le monde, la force de se tenir debout et le courage de rire de soi-même.


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